L’inaccessible message de Liam Gillick

L’inaccessible message de Liam Gillick

Le changement climatique est un problème majeur pour notre planète. En effet, notre surpopulation et nos méthodes de production ont de plus en plus d’impact sur l’environnement et l’écosystème global, engendrant de nombreuses effets néfastes tel que :  les catastrophes “naturelles” ayant de plus en plus d’ampleur au niveau mondial, la disparition d’espèces animales et végétales, la pollution des océans, rivières, fleuves et autres points d’eau, des records météo battus chaque année…

Idée de l’oeuvre

C’est dans ce contexte de plus en plus préoccupant que s’est tenu fin 2015 la 21ème conférence sur le changement climatique, dit COP21, à Paris. Très attendue à l’époque, elle avait pour objectifs de discuter des questions environnementales, et à terme, de faire ratifier à l’ensemble des pays un accord international sur le climat. Ce qui fut le cas le 11 décembre 2015.

À cette occasion, SNCF Gares & Connexions a donné carte blanche à plusieurs artistes pour réaliser des œuvres basées sur la thématique de l’événement, à la Gare du Nord. Parmi eux se trouve le britannique Liam Gillick, artiste conceptuel qui a fait ses preuves en exposant dans différentes galeries en Europe et aux États-Unis, et en travaillant sur divers projets de toutes sortes en lien avec le cinéma, l’architecture, la littérature et bien d’autres.

Pour réaliser ce projet thématique, Gillick a décidé de prendre pour référence les travaux du climatologue japonais Syukuro Manabe, renommé pour son élaboration d’une simulation de l’évolution du climat, dans les années 1960. Inauguré avant le début de la COP21, l’ensemble de l’œuvre est constitué de quarante-deux panneaux, installés le long des voies souterraines des RER B et D. En tant qu’usager quotidien du RER B, j’ai pu voir l’apparition de ce dispositif et je me doutais bien qu’elle était en accord avec l’actualité, sans pour autant aller chercher plus loin.

Description et impressions sur l’image

Ces panneaux montrent les formules du scientifique, et quelques mots d’explications, sur des fonds de couleurs unies. À une interview accordée à SNCF Gares & Connexions, Gillick justifie sa démarche en parlant du fait que “les mathématiques constituent un langage universel”, et que “le problème climatique est très complexe”.

Sur la photo présentée ci-dessus, nous voyons l’un des panneaux qui composent la création de Gillick : une formule mathématique, sans aucune indication sur son but ou sur les unités utilisées, le tout sur fond vert. On y voit au premier plan un homme, équipé de son casque, ne faisant pas attention à au panneau.

Cette image illustre parfaitement l’impact de cette installation : elle est (quasi) nulle. Et pour cause, une formule, posée ainsi, ne sert à rien. Si nous n’avons étudié les travaux de ce climatologue en particulier, ou alors même avoir recherché sur Internet par curiosité des informations sur l’exposition, nous ne pouvons pas comprendre quel est le but de ces panneaux.

Après quelques petites recherches, nous pouvons trouver le document dont Liam Gillick a sûrement récupéré la formule en question. Il s’agit d’une publication se situant dans le volume 24 du Journal of Atmospheric Sciences (Journal des Sciences Atmosphériques), page 243. La formule présentée permettrait d’obtenir la capacité de chaleur en fonction de l’humidité de l’air :

Autre élément : sur l’ensemble de des panneaux, les fonds unies n’évoquent pas directement le thème de l’environnement. Bien que ce panneau là soit vert, ce n’est pas le cas de l’ensembles des autres composant le dispositif: bleu, jaune, orange, rose et blanc. Elles n’ont pas de justification propre, donc je suppose qu’elles ne servent qu’à faire ressortir les éléments présentés sur le panneau et à attirer l’oeil des passants.

Que puis-je en conclure ?

Nous pouvons dire que le message de complexité est atteinte, mais que sa compréhension reste très difficile. Cette installation n’est pas assez impactante pour faire ressortir l’idée principale que l’artiste souhaitait transmettre. Selon moi, Liam Gillick a créé une œuvre trop abstraite. Je dirai même qu’elle fait ressortir la frustration et le désintérêt que peut avoir le grand public pour les sciences.

Bien qu’il a souhaité partager cet idée pythagoricienne du langage universel des nombres, il oublie qu’il faut apprendre ce langage pour le comprendre ; ce qui demande du temps et de la réflexion. La combinaison de tous les éléments  de ce dispositif (lieu, support, message, forme…) n’était pas adaptée pour de la médiation scientifique. Mais la question que je me pose, c’est : a-t-il vraiment cherché à faire de la médiation scientifique ?

Quoi qu’il en soit, le message doit être claire et efficace rapidement, car les usagers ont pour unique but de prendre leur train et d’atteindre leur destination. Ces problèmes d’adaptation sont bien connus dans le domaine de la communication, et celui de la médiation scientifique s’en inspire de plus en plus. Nous ne pouvons qu’espérer que les futurs dispositifs de médiation auront beaucoup plus de succès, pour évoquer le thème de l’environnement.


Sources :


Article écrit dans le cadre du magistère sciences techniques et société [CNAM – 2018]

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