Comment expliquer le déclin d’Anonymous et de l’hacktivisme en général ?

Comment expliquer le déclin d’Anonymous et de l’hacktivisme en général ?

Devenu entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 un moyen populaire de protestation et de pression envers le système – États et entreprises réunis, son usage n’a cessé de décliner depuis plusieurs années. D’après les études menées par IBM sur le paysage des cybermenaces, les actions hacktivistes ont baissé de 95% depuis 2015 : cette chute spectaculaire peut s’expliquer par de nombreux événements, notamment liés à Anonymous, le collectif cybermilitant le plus actif jusque-là…

Rappel sur Anonymous

Quelques exploits

Le collectif s’est fait connaître du grand public début 2008 après avoir attaqué les infrastructures informatiques de l’Église de Scientologie, un mouvement sectaire américain abusant de la dévotion totale de ses membres. Suite à cet événement, Anonymous publie une vidéo où il adresse un message à la secte et appelle à manifester contre ses pratiques.

En 2011, suite aux révélations sur les agissements de l’armée américaine en Irak, le collectif apporta son soutien à Wikileaks en attaquant les infrastructures entreprises américaines, qui ont rompu leurs relations avec l’ONG sur demande du gouvernement américain.

Leur communication

L’utilisation des plateformes internet et l’adoption de leurs codes – comme les memes – ont aidé Anonymous à s’adresser directement au grand public – sans filtre médiatique – et à agrandir leur auditoire. L’une des composantes

À gauche : logo d’Anonymous | À droite : masque de Guy Fawkes

L’identité graphique a grandement joué dans la communication du collectif, permettant de signer leurs actes et ainsi augmenter leur notoriété : les symboles utilisées insistent sur les ambitions du groupe.

Le logo représente l’anonymat total de ses membres (point d’interrogation), la dimension internationale du mouvement (globe en arrière-plan), la quête de succès dans ses actions (les lauriers). Quant au masque de Guy Fawkes – récusant du XVIè siècle qui dénonçait les persécutions envers les catholiques en Grande-Bretagne, il représente le désir de liberté et d’émancipation.

Pourquoi le mouvement est-il en péril ?

Arrestation des hackers les plus actifs

Les principaux hackers du collectif Anonymous étaient membres d’un groupe nommé LulzSec. Un article du Guardian nous résume les faits liés à ces cyberactivistes : durant sa courte existence – de mai à juillet 2011, LulzSec mena de violentes cyberattaques à l’encontre de grandes entreprises comme Sony – notamment sa filiale en charge des produits PlayStation, et la chaîne PBS – télévision publique américaine.

Ce qui a permis de faire le lien entre les deux groupes fut la cyberattaque contre la société HBGary, spécialisée dans la cybersécurité. Anonymous, dans un premier temps, revendiqua cette attaque, avant LulzSec ne le fasse à son tour.

Après avoir été traqué et surveillé par le FBI, les hackers furent arrêtés suite à une imprudence : les membres du groupe avaient pour habitude de se contacter sur un forum dédié et devaient masquer leurs adresses IP grâce au navigateur Tor, ce qui ne fut pas le cas pour l’un d’eux lors de leur dernier échange.

Leurs arrestations, comme tant d’autres, ont porté atteintes aux activités des cybermilitants : jouissant d’un sentiment d’impunité jusque-là, ils avaient désormais peur de mener des actions qui les conduiraient en prison.

L’un des principaux problèmes du hacking, c’est de déceler les intentions des hackers : est-ce une volonté de nuire pour des raisons idéologiques ? personnelles ? pécunières ? Dans tous les cas, les dégâts causées sont les mêmes et cela représente une menace à la fois pour les états, les entreprises et les particuliers.

C’est cette amalgame de toutes ces attaques qui effraie les hacktivistes, qui ne souhaitent pas que leurs actions puissent être assimilées à du banditisme ou à du cyberterrorisme.

Manque de structure

Bien qu’Anonymous est défini comme un collectif, il est important de noter qu’il est surtout une bannière, que n’importe quel militant peut utiliser pour signer ses actions. Cependant, cette « organisation » peut conduire à des dérives et donc nuire à l’image du mouvement : Des forces étrangères où des militants politiques qui souhaiteraient porter atteinte à Anonymous n’auraient qu’à agir.

Au-delà de la volonté à nuire au mouvement, il existe aussi des cas où certains utilisent le prestige du groupe pour partager leur « vérité » à leur auditoire : l’image d’Anonymous est lié à la résistance face à un État totalitaire et secret sur ses activités, ce qui l’utilisation de cette image par les complotistes. Par exemple, la page Facebook « Anonymous France » a été épinglé par Conspiracy Watch dû aux propos partagés par son administrateur.

Un autre point est à souligner : Anonymous souhaite défendre une éthique commune plus qu’une idéologie comme la liberté d’expression et d’information. Mais il arrive cependant que des frictions aient lieu entre les membres, notamment lors d’événements politiques majeurs. Les études d’IBM évoquent que les élections présidentielles américaines de 2016 où l’idée d’attaquer les sites de candidats furent grandement débattus.

Que reste-t-il de l’hacktivisme ?

Bien que les cyberattaques aient grandement diminué, l’hacktivisme prend forme désormais en de nouveaux moyens de contestation : l’organisation d’événements physique comme des manifestations ou d’occupation de bâtiments et de la voie publique, la publication d’informations confidentielles pouvant porter atteintes à des institutions où à leurs représentants (données confidentielles ou compromettantes)…

Et certaines de ces actions ùenées par ces groupes « indépendants » peuvent être directement commandités par des états hostiles souhaitant que leurs propres intérêts prédominent ceux de leurs cibles (ex : loups gris). Ces guerres idéologiques ne font que progresser depuis des années avec la dématérialisation de nombreux services et outils, et cette nouvelle dépendance pourrait entraîner de nouveaux conflits mondiaux si ces mêmes structures sont attaquées.

Voici l’héritage laissé par les hacktivistes : de nouveaux moyens de faire entendre ses idées mais une récupération méthodologique des pouvoirs politiques et économiques.

Sources :

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