Le musée des Arts et Métiers et les curiosités manquées : étude sur les appareils sonores exposés et proposition d’une solution possible

Le musée des Arts et Métiers et les curiosités manquées : étude sur les appareils sonores exposés et proposition d’une solution possible

En 2018, durant mes études au Conservatoire National des arts et Métiers, je réalisais avec des camarades l’un des projets les passionnants auxquelles j’ai pu participer durant mes études. Mais pour vous expliquer la démarche, un peu de contexte s’impose…

Anciennement le Prieuré Saint-Martin-des-Champs, le Musée des Arts et Métiers est l’un des symboles de la Révolution française : cette conversion avait pour but de remplacer les croyances religieuses séculaires par les faits concrets de notre monde que les sciences et techniques démontrent chaque jour.

Refuge de quelques grandes inventions de l’histoire humaine, le musée conserve 80 000 objets, dont une majorité n’est pas exposé au grand public. Visiter ce cabinet de curiosités de près de 6 000 m² est une expérience à vivre pour tout muséophile. Cependant, quand on s’y promène, on remarque rapidement les difficultés qu’ont rencontré les conservateurs à organiser chaque collection et à y proposer une médiation efficace.

Pour cette étude, nous allons nous concentrer sur la collection « Communication », qui regroupe les objets liés à l’histoire de l’imprimerie, de la photographie, du cinéma, de la téléphonie et du son. De la chambre photographique à l’appareil numérique compact, de la presse typographique au clavier d’ordinateur, du phonographe au lecteur MP3, il est passionnant de découvrir ces inventions qui ont traversé les âges.

Mais l’organisation chronologique souhaitée par les conservateurs n’est pas adaptée pour suivre les évolutions d’une technologie précise : concernant le son, découvrir le phonographe d’un côté et traverser la pièce pour y trouver le magnétophone n’est pas chose aisée pour le visiteur non guidée. Il est donc nécessaire pour le Musée des Arts et Métiers d’orienter le visiteur durant son exploration, à défaut de réorganiser la disposition des objets.

Un autre problème posée : le manque de démonstration. Découvrir des appareils d’un autre temps mais ignorer leur fonctionnement et leurs résultats n’est pas une expérience pertinente. Rare sont les visiteurs qui s’informent avant de découvrir ces objets derrière leurs vitrines. De plus, un visiteur passif ne ressortira pas informé pour autant suite à sa découverte d’une thématique. Les interactions sont désormais indispensables pour maintenir en éveil la curiosité du visiteur.

C’est dans cette volonté de répondre à cette problématique de création d’intérêt qu’un projet de dispositif de médiation fut demandée aux étudiants de médiation scientifique du CNAM. En 2018, je faisais partie de ces étudiants et ait dû collaborer avec quelques camarades pour proposer le meilleur dispositif possible.

Pourquoi le son ?

Le son est la thématique la plus négligée de la collection « ‘Communication », au vu du peu d’objets exposés et des démonstrations assez rares des appareils sonores – comparés aux appareils de la thématique cinéma. Ce peu de moyens a pour conséquences un intérêt réduit du public pour la thématique du son.

Une enquête de satisfaction, effectuée auprès de 40 personnes, fut menée durant deux jours, considérés de forte affluence, dans la collection « Communication » du Musée des Arts et Métiers. Parmi les questions posées, il y eut la thématique préférée : 55% des visiteurs ont choisi le cinéma, 30% la photographique, 7.5% la téléphonie, 5% l’imprimerie et 2.5% le son.

Ces éléments compilés appuyèrent la volonté de notre équipe de travailler sur ce sujet fascinant : à quoi bon travailler sur des thématiques si celles-ci sont déjà populaires auprès des visiteurs ?

La problématique de l’intérêt est assez simple à répondre : si l’on souhaite que le jeune public devienne curieux sur l’évolution des technologies sonores, il leur faut proposer une démonstration sonore.

L’idée de base

Utiliser l’ouïe pour évoquer le sujet du son, c’est évident. Mais ce qui l’est moins, c’est de savoir comment utiliser ce sens pour comprendre les évolutions des technologies sonores. Nous sommes donc partis sur une idée de base simple : proposer une comparaison directe de la qualité sonore des appareils à partir un même son.

Quels médias doivent servir à notre dispositif : Des discours ? Des programmes radiophoniques ? De la musique ? Des bruitages ? Toutes ces questions ont été posées mais nous nous sommes penchés sur la musique car elle offre une riche variété de sons par les instruments, les voix et les bruitages. De plus, il n’y a aucun besoin d’essayer de comprendre le message d’une musique car le visiteur se concentrera surtout sur la mélodie.

Ce choix de média étant fait, quels genres de musiques devrions-nous utiliser : Du rock ? Du jazz ? Du classique ? Du rap ? De la house ? Tous ces genres offrent des échantillons de comparaison intéressants, car les sons purs et électroniques ne donnent le rendu en fonction des appareils utilisés.

Les titres utilisés pour le dispositif : Vivaldi – Le Primtemps | Kiss – Heaven’s on fire | Eminem – Rap God | Big Bad Voodoo Daddy – Old Man of The Mountain | Magnus The Magnus – Area

Même si l’écoute du rap ou de la house par l’intermédiaire d’un phonographe est anachronique, elle permet de saisir les limites de l’appareil – concernant les basses / aigus et la reconnaissance des instruments. Par l’intermédiaire de logiciels de montage et d’édition sonore, il est possible de simuler le rendu sonore des appareils exposés.

Et ainsi naquit la Time Music Machine…

L’idée de base étant développée, il faut que la forme de notre dispositif soit reconnaissable par son utilisateur, afin que ce dernier saisisse rapidement l’objectif du dispositif. Pour mieux comprendre la démarche liée à la forme du dispositif, nous allons nous mettre dans la peau d’un visiteur, explorant la collection « Communication ».

D’abord, le visiteur verra une machine dont l’esthétique colorée aux finitions chromées contraste grandement avec les omniprésentes vitrines en bois. Ce premier détail va l’intriguer et le pousser à s’en approcher. Une fois, qu’il fera face au dispositif, il reconnaitra la forme d’un jukebox, un appareil publique d’écoute de musique, reconnaissable par sa grande taille et son design clinquant et vintage.

Jukebox Wurlitzer – modèle 2300 (1959)

Ensuite, le visiteur verra le nom sur cet imposant dispositif : Time Music Machine. Ce nom est suffisamment équivoque sur le rôle de cette invention. En faisant appel à des références culturels, le nom du dispositif suscite encore plus l’intérêt du passant, qui voudra tenter le voyage temporel.

Des deux côtés de la machine, sont disposés des casques audio : ils permettent une plus grande immersion aux testeurs de l’appareil. Pourquoi deux casques ? Partager cette expérience si particulière à deux est plus conviviable et leur donne la possibilité d’interagir et de débattre à ce sujet.

Et enfin, le visiteur fera face au cœur du dispositif : l’interface avec ses informations. Pour que la Time Music Machine soit simple à utiliser, toutes ses fonctionnalités doivent être accessibles directement.

Interface de la Time Music Machine

L’interface est séparée en deux : les fonctionnalités d’un côté, et les informations liées à l’invention sélectionnée de l’autre.

Les fonctionnalités sont assez simples : on donne la possibilité à l’utilisateur de choisir le style de musique, l’appareil et la possibilité de mettre sur pause la musique. Si l’utilisateur change d’appareil en cours de lecture, la musique continuera sa lecture mais les propriétés de l’appareil sélectionnée s’appliqueront.

Quant à la partie « informations », elles présentent une vidéo de l’appareil en marche, un texte bref retraçant l’historique de ce dernier et une carte de la collection indiquant sa position.

Résultat escompté

Grâce à ce dispositif, Il est désormais possible d’accéder à un nouveau monde sonore : se demander comment des styles de musique si particuliers à notre époque auraient-ils été perçu dans les années 1920 avec des machines d’époque, comprendre pourquoi Eminem n’aurait jamais pu vendre autant de cylindres en 1890 que d’albums aujourd’hui, savoir si les basses de la musique électronique auraient eu les mêmes effets impactants sur un magnétophone que sur un MP3….

La force de la Time Music Machine, c’est de dépasser les possibles. Il n’est pas à douter que le visiteur sera marqué par cette expérience particulière et, peut-être, souhaitera en savoir plus sur ces technologies qui ont précédé celles que nous utilisons tous les jours, même au-delà des murs du son.

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